MAXIMILIEN
DAUBER

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BRUXELLES, ... MA BELLE

 

Dominique DEPRETRE

Vincent HALLEUX

 

 

Introduction

 

J’aime Bruxelles au relief cabossé.

Cette ville fantasque qui s’offre des rues hautes et des pans de montagne au centre d’un pays désespérément plat. Cette cité en forme de cœur qu’on s’évertue, par manque d’imagination et de poésie, à habiller en pentagone.

 

J’aime cette capitale féminine qui se cache sous un air de province. Voilà une ville humide et marécageuse qui a noyé son fleuve dans l’urgence et dont un éternel chantier masque l’épilogue urbain. Cet apparent capharnaüm reflète bien l’état d’esprit des Bruxellois allergiques à toutes formes d’autorité. Ce rejet de tout centralisme, cette farouche indépendance s’imposent le plus souvent avec bonhomie, sans discours ni révolution.

 

Cet héritage médiéval concentre l’ultime pouvoir au quartier, à la rue, à la maison. Cet individualisme extrême explique en partie ces sautes d’humeur architecturales où tous les styles s’expriment dans un anarchique étalage de façades bigarrées. Il explique aussi l’insupportable ténuité des trottoirs tracés en pointillé, le tenue libertaire des noirs pavés et la couleur jaune crapuleusement terne des briques dont les maisons sont emmaillotées.

 

Cette ville ressemble davantage à un chapelet de villages qu’on découvre entre les nids-de-poule et les fondrières posées là comme les bulles de nos bandes dessinées.

 

Bruxelles, névrotique à ses heures, aime creuser et gratter ses chancres qu’elle étale avec indécence dans de vastes chantiers s’étirant langoureusement d’une rue à l’autre. Cette maladie épidermique, cette acné juvénile qu’on appelle la « bruxellisation », est une frénésie urbanistique propre à la capitale d’un royaume qui n’a pas deux siècles d’existence. C’est cette déglingue qui rend Bruxelles si déroutante, si surréaliste aussi.

 

Il fait bon vivre dans cette métropole parce qu’elle ne cherche pas à en imposer. Cette ville n’a rien d’un ensemble urbain intégré et unifié ; son architecture n’intimide pas vraiment l’habitant. Cette cité verte, humaine et fréquentable, qui n’exhibe pas ses charmes à tout bout de champ, n’incite pas à la trépidation, à l’ambition ou à l’urgence.

 

Ici, il n’y a rien de pressant à conquérir. Rien n’est passionnel dans son rapport avec le citadin. L’envoûtement de cette ville est plus insidieux ; il campe dans l’exotisme du détail qui laisse libre cours à l’imaginaire de ceux qui la peuplent.

 

Cette ville était européenne avant que d’être. Son vécu et son mode de vie l’ouvrent aux cultures du monde qui s’y attardent et parfois, s’y installent.

Bruxelles, sise en terres flamandes, est pour les Belges du Nord, et contre toute attente, la capitale francophone d’une Flandre en quête de légitimité.

D’autres perçoivent cette enclave comme le plus enfoncé des avant-postes francophones à la frontière de la Germanie. C’est une des nombreuses contradictions dont la Belgique a le secret dans l’art de tracer sa paradoxale géographie linguistique.

 

En définitive, Bruxelles, ville franche, n’appartient qu’aux Bruxellois. Bilingues pour la plupart, ces « ketjes », avec leur accent et leur dialecte bien à eux, afficheront toujours, avec cette gouaille qui leur est propre, l’identité et la farouche individualité qui les caractérisent.

 

Les compromis urbains de Bruxelles, sa propension cosmopolite et sa position géographique ont fait d’elle la capitale de l’Europe.

Naturellement. Evidemment.

 

De Bruxelles se dégage un sentiment de l’étrange, de l’insolite, une instabilité émotionnelle malgré les briques relativement bien ordonnées des murs de la cité.

 

La beauté, chez nous, Monsieur, a des couleurs de mélancolie, de perles de pluie tombées d’un ciel plus bas que partout ailleurs, de brumes d’où émergent sur quelques mètres des pignons élégamment diversifiés. Ville de fêtards qui promène ces géants et ses marionnettes dans le clair-obscur des kermesses et des foires où règnent sans partage les moules, les frites et ces escargots à l’appellation plus digeste de caricoles, elle se prête à des niveaux de lecture très variés.

 

L’ailleurs à Bruxelles est dans l’indicible, l’exotisme dans le propos, la poésie dans l’irrationnel, l’humeur dans la bière, l’humour dans la dérision.

 

Cette cité, un temps utopique et rêvée par d’ambitieux visionnaires, est restée verte et châtelaine, monumentale et royale, artisanale et populaire, truculente et insolite, ethnique et colorée.

 

Ce film, « Bruxelles, …ma belle », brosse la palette artisanale, architecturale et historique de la région bruxelloise sans omettre l’art de la fête et la truculence de son peuple.

 

 

Vincent Halleux m’a assisté tout au long de cette aventure bruxelloise. On lui doit également l’excellent travail photographique qui illustre ce bel album.

 

                                                                                                                Maximilien Dauber

 

 

 

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